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  • Photo du rédacteurJulie Tardif

Un état laïc, sommes-nous prêts ?


La fin du XXe siècle est teintée par les débats entourant la laïcité du Québec. Quatre générations se confrontent ou se confortent à l’intérieur de ces discussions qui nous semblent sans fin. Le bagage religieux des baby-boomers (1946-1964) et de la génération Z (2000 ‑ …) se situe aux antipodes. Peu importe le projet de loi qui sera déposé, elle conviendra difficilement à une majorité.


Avec cette optique, préférons-nous une législation plane et souple, sans barème bien défini qui conviendra, à court terme, à une plus grande masse ; ou, comme les défricheurs, sautons-nous à pieds joints vers une nouvelle étape de notre société, comme il en fût le cas avec le droit de vote des femmes au Québec, officiellement obtenu le 25 avril 1940 ?


Les gens de ma génération (les X, 1965-1980) et les suivantes oublient trop souvent que la société n’a pas toujours été comme elle l’est en 2019. Ceux qui nous ont précédés ont dû mener plusieurs batailles afin de provoquer l’avancement de notre société.


J’ai cru bon de faire quelques recherches sur l’historique de la laïcité au Québec, au point de vue politique et aussi éducationnel. Je vous partage mes découvertes…

 

La crise des accommodements raisonnables


Le 8 février 2007, le premier ministre du Québec, M. Jean Charest, a annoncé la création de la Commission de consultation Bouchard-Taylor, sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles. Le nom de cette commission vous sonne assurément une cloche, même si vous ne vous souvenez peut-être pas de ses objectifs ou de ses résultats, elle fut hautement médiatisée. Après un an d’étude et cinq millions de dollars dépensés, la Commission en est venue à la conclusion suivante : « … que les fondements de la vie collective au Québec ne se trouvent pas dans une situation critique. Nos travaux ne nous ont pas permis de constater une hausse importante ou soudaine des ajustements ou des accommodements consentis dans les institutions publiques. Nous n’avons pas constaté non plus que le fonctionnement normal de nos institutions aurait été perturbé par ce type de demandes. En témoigne le fait très éloquent que le nombre de cas d’accommodements qui empruntent la voie des tribunaux demeure toujours très faible.  » ( Fonder l’avenir. Le temps de la conciliation. Rapport Gérard Bouchard et Charles Taylor. P. 18 http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/bs66285 ) La grande couverture médiatique aurait faussé la perception de la population. Au-delà de cette conclusion, cette commission a donné lieu à plusieurs discussions qui ont mené à des recommandations formant une base pour un projet de loi sur la laïcité. Trois de ses recommandations proposaient le dépôt d’un livre blanc sur la laïcité pour doter le Québec de balises claires, l’élaboration d’un modèle interculturel québécois et l’interdiction du port des signes religieux pour les représentants de l’autorité contraignante qui incarnent la neutralité religieuse de l’État. Malheureusement, ce rapport a été mis en tablette suite à son dépôt, jusqu’en 2012.


La Charte des valeurs québécoises

( https://fr.wikipedia.org/wiki/Charte_des_valeurs )


Pendant la campagne électorale de 2012, Pauline Marois a promis de doter le Québec d’une charte de la laïcité. Une fois élue, le 7 novembre 2013, elle déposa le projet de loi 60, sous le nom de Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement.


Le projet était présenté comme une réponse du gouvernement de Pauline Marois à la controverse québécoise en matière d’accommodements raisonnables. Il relevait de l’autorité du ministre des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville.


Le projet de charte comportait cinq propositions :

Modifier la Charte québécoise des droits et libertés de la personne,

Énoncer un devoir de réserve et de neutralité pour le personnel de l’État,

Prohiber le port des signes religieux ostentatoires par le personnel de l’État,

Rendre obligatoire le visage à découvert lorsqu’on donne ou reçoit un service de l’État,

Établir une politique de mise en œuvre pour les organismes de l’État.


Avec la défaite électorale du Parti québécois aux élections du 7 avril 2014, le projet de loi n’a plus aucune chance d’être adopté, le Parti libéral du Québec, vainqueur aux élections, ayant exprimé son opposition à la charte dès le dépôt de celle-ci.


Projet loi 491


Le 12 février 2014, Fatima Houda-Pepin, députée indépendante de La Pinière, déposa le projet de loi 491, Loi sur la neutralité religieuse de l’État et la lutte contre l’intégrisme religieux et modifiant la Charte des droits et libertés de la personne et la Loi sur le ministère du Conseil exécutif.

Cette présentation de projet de loi n’a pas eu de suite.


« La loi du tchador »

(Adoptée et sanctionnée le 18 octobre 2017)

( https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_62_(Québec) )


Le 10 juin 2015, la ministre de la Justice Stéphanie Vallée a déposé le Projet de loi no° 62, loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’état et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements religieux dans certains organismes. Un des principes proposés est

que tout service public devrait se donner et se recevoir à visage découvert. Cette obligation ne s’applique toutefois pas aux fonctionnaires si les conditions de travail exigent de se couvrir le visage. Elle peut aussi être sujette à un accommodement. Dans le texte de loi, on ne trouve aucune mention du niqab, de la burqa ou de tenues traditionnelles musulmanes qui cachent partiellement ou entièrement le visage des femmes.


La Loi 62 entraînera son lot de controverses et de contestations judiciaires, dû à son manque de clarté et de balises claires. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse s’est aussi dite préoccupée que ce texte de loi puisse encourager la discrimination à l’égard des femmes musulmanes. Près de 7 mois après son adoption et ayant été suspendue (l’article 10) pendant 5 mois, de nouvelles lignes directrices ont été ajoutées à cette loi. Apportant un accommodement religieux, c’est un retour à la case départ, car les fonctionnaires ayant une croyance « sincère » pourront continuer à porter le niqab et la burqa.


Finalement, Projet de loi n° 21 : Loi sur la laïcité de l’État


Présenté par le ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion et leader parlementaire du gouvernement, M. Simon Jolin-Barrette, ( http://www.newswire.ca/fr/releases/archive/March2019/28/c7339.html ) le 28 mars dernier, essentiellement, le projet de loi vise à affirmer et à définir la laïcité de l’État dans le droit québécois selon quatre grands principes :

  1. La séparation de l’État et de la religion

  2. La neutralité religieuse de l’État

  3. L’égalité des citoyennes et des citoyens

  4. La liberté de conscience et de religion

Le projet de loi précise aussi que les services publics devront être donnés à visage découvert. Il est aussi prévu que les services publics seront reçus à visage découvert lorsque la vérification de l’identité ou la sécurité l’exigera.


Du point de vue éducationnel

( La transformation des rapports entre l’État et l’Église au Québec, Micheline MILOT, professeure Département de sociologie, Université du Québec à Montréal (Québec), Canada

https://www.acelf.ca/c/revue/pdf/XXIX_2_089.pdf )


En 1867, les structures administratives scolaires des deux principales villes, Montréal et Québec, demeuraient confessionnelles, en vertu de l’article 93 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Tandis que la quasi-totalité des écoles publiques en dehors de Québec et de Montréal est alors confessionnelle de fait, mais non légalement, accueillant respectivement et quasi exclusivement les élèves soit catholiques, soit protestants.


À cette époque, l’État québécois n’a pas vraiment pris en charge l’instruction publique, domaine dans lequel les Églises assuraient déjà largement tant l’orientation globale de l’éducation que les ressources nécessaires à son fonctionnement. Par la suite, les initiatives gouvernementales structurantes du Québec se sont toujours heurtées aux prétentions monopolistiques de l’Église catholique sur le système éducatif. Le premier véritable débat public sur les rôles respectifs de l’Église et de l’État en éducation remonte à l’année 1963. Le projet de loi (bill) 60 (Loi instituant le ministère de l’Éducation et le Conseil supérieur de l’éducation) prévoyait alors que l’éducation publique, largement sous la gouverne des Églises depuis plus d’un siècle, passerait sous la juridiction étatique par la création d’un ministère de l’Éducation. Les évêques catholiques s’étaient farouchement opposés à la création d’un tel ministère depuis le milieu du XIXe siècle. Si l’État prenait le contrôle de l’éducation, les évêques et les partisans de la confessionnalité craignaient que le principe de la majorité appliqué dans les débats démocratiques finisse par entraîner la laïcisation du système scolaire. L’Assemblée des évêques, s’adressant directement au Premier ministre Jean Lesage, avait d’ailleurs réussi à faire retirer le projet de loi 60 (le 8 juillet 1963) qui, selon elle, ne garantissait pas suffisamment la confessionnalité et le rôle de l’Église dans l’éducation. Le nouveau projet de loi 60, déposé six mois plus tard par le gouvernement, dessinait une configuration institutionnelle qui était le fruit d’un compromis préalablement agréé par l’épiscopat, entre les prérogatives de l’État et les intérêts de l’Église catholique. Cette configuration a prévalu jusqu’en juin 2000.


En plus du problème de discrimination que soulevait l’aménagement confessionnel eu égard aux droits fondamentaux, celui-ci ne correspondait pas aux orientations politiques générales déjà existantes à l’égard de la diversité culturelle, de l’intégration sociale et de l’égalité des citoyens. En effet, on peut facilement identifier dans les diverses politiques adoptées au Québec depuis les années 70 une ferme volonté de se définir comme une société ouverte au pluralisme, respectueuse de la diversité et soucieuse de préserver la cohésion sociale sur la base de valeurs communes. Ainsi, le système scolaire public confessionnel apparaissait-il de moins en moins en concordance avec les orientations politiques générales du gouvernement. Entre 1995 et 1996, une importante commission sur l’éducation, portant sur les différents aspects du système scolaire, aborda la question de la confessionnalité sous l’angle de l’évolution culturelle et démocratique de la société québécoise. Suite à une vaste consultation publique où partisans de la laïcité et de la confessionnalité s’affrontèrent, les États généraux sur l’éducation donnèrent lieu à une recommandation radicale. Selon leur rapport, il fallait « déverrouiller » la confessionnalité garantie par l’article 93 de la Loi constitutionnelle canadienne, « pour assurer à tous les élèves l’éducation aux valeurs communes que nous souhaitons partager », et ainsi, « achever la séparation de l’Église et de l’État ». Le statu quo ne semblait plus possible.

En 1999, la donne se trouve profondément modifiée. L’État ne semble plus disposé à partager sa compétence dans le domaine de l’éducation. L’Église, en perte d’autorité, devient une institution dans la société civile au même titre que d’autres institutions ou organismes.


En pratique, il n’y a plus aucune instance confessionnelle dans tout l’appareil de l’État. Les écoles publiques n’ont plus de statut confessionnel depuis le 1er juillet2000. La loi exclut la possibilité que les écoles publiques dites « à projet particulier » adoptent un projet éducatif de nature religieuse. L’animation pastorale est remplacée par un service commun d’animation spirituelle et d’engagement communautaire. Un cours d’éthique et de culture religieuse devient obligatoire aux deux dernières années du secondaire pour tous les élèves.


Conclusion


Le débat sur la laïcité de l’État est loin d’être terminé, mais si on se fit à notre bagage historique, il est de plus en plus nécessaire. À vous de former votre propre opinion et de la faire valoir. ■


N’hésitez pas à donner vos commentaires...


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